• STORY BY WAAW #3

  • resultatstory3.jpg

Episode 3 

 

Minuit douze.

Ça faisait un moment que je n'avais pas fait une fermeture du WAAW. Ils viennent tous de partir : les sympas, les relous, les bourrés, l'équipe. Le calme revient et le cendrier se remplit. Dans la pénombre, je me dis souvent que le décor ressemble à une salle de bal déglingue après une fête un peu trop arrosée. J'aime bien. C'est chez moi et pas tout à fait chez moi, c'est un peu chez tout le monde en fait, en tout cas c'est l'idée. Mon chien ronfle et les volutes de fumée dansent jusqu'au plafond un genre de slow un peu raté.

 

Au fond de ma poche je collectionne les billes de mon bonheur,

Donneur de leçon je papillonne, philosophe et professeur.

 

En ce moment j'écris la nuit, un genre de hip-hop poétique, et là je sens qu'une fois chez moi ça va couler tout seul. Je ne sais pas d'où ça m'est venu mais ça fait du bien. A force de se prendre la vie des gens dans la gueule on se crée des images, et au bout d'un moment ça jaillit comme un chant de marin ou une bonne grosse gueulante. J'en ferai peut-être quelque chose un jour, on verra.

 

Pigeon et voyageur je suis l'abattoir, le hachoir moderne de mon malheur.

Je distille les épreuves de la vie, alambic artisanal de mes envies.

 

Minuit vingt-trois.

Texto.

C'est mon pote Seb Déco qui croit avoir croisé Icare à l'Uppercut, il me demande si j'ai des nouvelles d'Ariane par un autre contact. Les affaires reprennent !

Cette histoire par exemple, dans le genre mange-toi la vie des gens et démerde-toi, elle est pas mal.

Les deux se rencontrent, se perdent de vue, se cherchent partout, et d'un coup la Terre entière s'en mêle.

Lui, Icare, écume les soirées marseillaises où tous mes indics le repèrent et me préviennent à tous les coups avec un train de retard. Elle, Ariane, passe quasiment deux heures ici tous les jours à trop picoler et à soûler tout le monde avec leur histoire sans jamais lui mettre la main dessus. Et nous, avec le réseau qu'on a, on n'est même pas foutus de les faire se croiser au même endroit au même moment. Pourtant c'est pas faute d'essayer, et Marseille c'est quand même la plus petite des grandes villes. Je suis pas très loin d'en faire une affaire personnelle.

 

Le chemin est parsemé de coquelicots,

je laboure mon champ à la vitesse de Ronaldo.

 

Minuit trente.

Le chien s'agite. Il a l'air con quand il fait un cauchemar, ça me fait marrer.

Je sais plus exactement à combien de mes contacts j'ai envoyé le descriptif d'Icare et d'Ariane. Avec en plus les annonces sur Facebook et le bouche à oreille, je me tape tous les soirs un nouvel épisode de chasse à l'homme en live sur les réseaux sociaux. Ça a son petit charme, un genre de mix entre 24h Chrono et Gossip Girl. Ou un jeu vidéo en réseau où chacun y va de sa petite pierre à l'édifice en attendant de savoir qui va décrocher le pompon.

 

J'amasse les instants comme des lingots, un trader ruiné qui gagnerait au loto,

Megalo et mélomane de la petite ritournelle, je les déploie en grand, ma vie a des ailes.

 

Minuit quarante-quatre.

Messenger.

Une copine de Beb Owski qui a vu l'appel sur Facebook me dit de jeter un œil sur l'Instagram des Voûtes Virgo. Je checke : soirée pleine de monde, tignasse rousse et épaule tatouée. C'est Ariane qui danse un verre à la main. La photo date de ce soir, bien joué ma belle. Je renvoie un texto à mon pote Seb « Ariane ce soir aux VV. Prévenir Icare ! »

Je me rallume une clope. Petit frisson. On va peut-être enfin y arriver, putain !

 

J'atterris sur le tarmac, je me pose, et j'épouse,

Je fatigue je disparais je renais je suis entier.

 

Minuit cinquante-deux.

Nouveau SMS de mon pote Seb : « C'est bon, Icare envoyé aux Voûtes Virgo. »

Montée d'adrénaline.

SMS quasi-simultané de Beb Owski : « Coucou kiki ! Raté pour ce soir, Ariane a quitté les lieux »

Non, non, non et non ! Pas encore une fois !

J'écrase ma clope et je renvoie un message à Beb direct : « Icare débarque dans quelques minutes, dis-lui de passer à l'ouverture du WAAW demain, Ariane sera très probablement là ! »

Beb, comme tous les autres, n'a qu'une description sommaire du bonhomme. Cheveux longs, sac à dos, look de routard, accent marqué.  Je croise les doigts.

 

Suis-je là, suis-je parti, suis-je en avance ou suis-je à l'heure ?

Au fond de ma boîte je vis, au fond de ma boîte je meurs

 

Une heure quatre.

Qu'est-ce que je fous encore là ? Il serait temps de se rentrer, hein le chien ?

J'ai les yeux qui se ferment et des phrases plein la tête, il est grand temps d'aller coucher tout ça.

Mon téléphone vibre : appel de Beb. Je décroche, y'a un bordel terrible à l'autre bout de la ligne.

« Allô ?  Tu m'entends ? Cette fois c'est bon, j'ai trouvé Icare, il se pointe à l'ouverture demain ! »

Je raccroche. Je respire. Demain ... Il faudrait juste pas qu'Ariane change subitement ses habitudes.

 

Je suis le chat de Schrödinger, le reste n'est pas écrit.

Je suis le chat de Schrödinger, le reste n'est pas écrit.

 

 

Lire le 1er épisode
Lire le 2ème épisode