INVISIBLES

Hommage aux "Invisibles", ces travailleurs immigrés arrivés dans les années 1960, qui une fois l'âge de la retraite venu, sont restés en France.

S'inspirant de leur parole recueillie dans les foyers, les cafés sociaux, au seuil des mosquées et devant les immeubles, Nasser Djemaï en fait un spectacle bouleversant de tendresse et d'humour, véritable hommage à ces chibanis (cheveux blancs en arabe).

LA PAROLE AUX CHIBANIS !

On les reconnaît, mais qui les connaît vraiment ? Qui s'intéresse à ces vies usées jusqu'à la corde, ces vies de travailleurs quasi-jetables à cheval entre deux mondes, ni franchement d'ici, plus vraiment de là-bas ? Ce sont les « chibanis », les têtes blanches en arabe. Ils sont arrivés en France, dans les années 1960. Des immigrés de la première génération, embauchés pour faire tourner la machine économique française, sans mot dire, ou presque. Dans l'automobile, la construction, la métallurgie. Ils n'avaient pas de vie ou si peu, ils n'avaient qu'une « fonction » comme le dit le jeune metteur en scène des « Invisibles » Nasser Djemaï : travailler. Ils sont aujourd'hui à la retraite, mais ne peuvent retourner chez eux, car ils doivent rester ici pour percevoir leur pension. Mais au fond, « chez eux », est-ce en Algérie, en Tunisie, au Maroc, où ils peinent à trouver leur place le temps de quelques semaines de vacances, ou ici, où ils ont passé le plus clair de leur existence...?

Ces « invisibles », Nasser Djemaï a décidé de leur donner la parole. Tel un reporter, il est allé la recueillir, dans les foyers, près des mosquées, aux terrasses des cafés où ils passent des heures, silencieux. Il y a peut-être glissé des extraits de celle de son père, lui aussi venu « embaucher » en France à la même époque.  Et il en a tiré une pièce touchante, émouvante, qui n'a pas oublié pour autant d'être drôle. Elle raconte l'histoire de cinq de ces chibanis, cinq hommes fourbus dans leur quotidien d'un foyer qui ressemble à tant d'autres. Disputes, angoisses, rires, nostalgie, espoirs... Dans un décor tout en sobriété – une table, quelques chaises, un lit de fortune -- un jeune homme vient soudain croiser leur trajectoire, faire irruption dans ce monde qu'il découvre et se plaît à bousculer.

Une pièce tout en chair et en humanité, servie par des acteurs lumineux.